L’évitant dédaigneux ne naît pas ainsi. Il se construit lentement, souvent dans une enfance où les besoins émotionnels n’ont pas trouvé de réponse stable. Très tôt, l’enfant comprend que compter sur l’autre n’est ni sûr ni réconfortant. Alors il apprend à ne compter que sur lui-même. Dans cet environnement, les émotions ne sont pas accueillies. Elles sont minimisées, ignorées ou perçues comme dérangeantes. Pleurer, demander, se plaindre n’apporte pas de soulagement durable. L’enfant intériorise l’idée que ses ressentis sont excessifs ou inutiles. Parfois, les figures parentales sont physiquement présentes mais émotionnellement absentes. L’enfant est nourri, protégé, mais rarement rejoint dans son monde intérieur. Il n’y a pas de langage pour dire ce qu’il ressent. Il n’y a pas de miroir émotionnel pour se reconnaître. Face à cette absence, l’enfant développe une stratégie d’adaptation. Il inhibe ses émotions pour ne plus souffrir du manque. Il se rend discret, autonome, peu demandeur. Il apprend à ne plus attendre. Dans certains cas, l’enfant est même valorisé pour sa maturité précoce. On le trouve “sage”, “raisonnable”, “facile”. Ce compliment renforce l’idée que l’amour passe par l’autosuffisance. Ses besoins profonds restent invisibles.
L’enfant futur évitant dédaigneux peut aussi avoir été confronté à des parents intrusifs ou imprévisibles. L’intimité devient alors source de confusion ou de danger. Pour se protéger, il apprend à ériger des frontières rigides. La distance devient synonyme de sécurité. Peu à peu, l’enfant se coupe de sa vulnérabilité. Parce qu’elle est trop douloureuse à ressentir. Il transforme sa sensibilité en contrôle. Il remplace l’attachement par une sur-indépendance.
À l’âge adulte, cette stratégie persiste. L’évitement devient un mode relationnel. Le dédain apparaît comme une carapace. Il sert à tenir l’autre à distance et à préserver l’équilibre interne. Ce dédain est une défense mise en place contre un attachement qui n’a jamais été sécurisé. Il protège l’enfant intérieur qui a appris à ne plus espérer. Il empêche aussi toute dépendance vécue comme une menace.
L’enfance du futur évitant dédaigneux est marquée par un paradoxe. Un profond besoin de lien coexiste avec la conviction qu’il est dangereux d’aimer. L’amour est désiré, mais redouté. La proximité est recherchée, puis rejetée.
Comprendre cette enfance ne signifie pas excuser tous les comportements. Il permet peut-être pour autant à la victime de l’évitant dédaigneux de mieux vivre les comportements de celui-ci.
Derrière l’adulte distant se trouve en réalité un enfant qui a appris trop tôt à se débrouiller seul. Et qui, pour survivre, a sacrifié l’accès à toute forme de liens intimes.
