L’évitant dédaigneux se reconnaît moins à ce qu’il dit qu’à ce qu’il évite.
C’est lorsque la relation devient trop intime ou profonde que l’évitant dédaigneux commence à reculer. C’est alors que la dynamique relationnelle révèle tous ses secrets. Derrière son apparente solidité, l’affichage d’une autonomie et un détachement, se cache de profonds dysfonctionnements que l’évitant dédaigneux fait en sorte de cacher méticuleusement. Il parle peu de lui, minimise les émotions et fuit les moments qui lui semblent « trop » intimes. Car l’évitant dédaigneux ne sait pas quoi faire de l’intimité. Face à elle, il se sent vulnérable et cela le rend particulièrement mal à l’aise. Il fait un amalgame entre intimité, sentiments, affection, profondeur, vulnérabilité, faiblesse… Toute relation intime devient donc un danger. Un danger qui le met face à lui-même et abat tous les masques qu’il a pris grand soin d’apprendre à porter au fil de son chemin de vie. Petit, dans le contexte familial qui était le sien, il s’est vite aperçu que ses émotions n’étaient pas considérées et qu’elles étaient même rejetées. Et pour ne pas prendre le risque d’être rejeté, il vaut donc mieux refouler ses émotions. Il s’est construit seul et a intégré l’idée qu’avoir besoin des autres était signe de faiblesse. Il revendique donc l’indépendance comme une vertu suprême. Il se présente souvent comme quelqu’un qui n’a besoin de personne.
Dans le lien, il avance puis recule, s’approche puis se ferme. Il fuit les conversations profondes, n’aime pas qu’on lui dise qu’il nous a manqué. Les signes d’affection deviennent pour lui une prison. Alors dès qu’une relation devient trop impliquante (à ses yeux), il se met à prendre de la distance. Sans aucune justification. Et toute tentative de se rapprocher à nouveau de lui ou de chercher des explications à son retrait l’amènerait à se sentir toujours plus étouffé et le pousserait à fuir toujours davantage.
En fuyant, il met de la distance avec la source de son émotion et donc de son inconfort puisque l’émotion profonde et intime le déstabilise. Il cherche à ne plus ressentir. Pour cela, il utilisera une multitude de stratagèmes : le travail, la cigarette, l’alcool, la drogue, le sexe, le shopping, les voyages… Chaque évitant dédaigneux trouvera la porte de sortie qui lui convient le mieux…
En se coupant du lien, il se coupe aussi de la peur d’être dépendant. Il évite ainsi la honte d’avoir besoin de l’autre. Pour lui, montrer ses émotions est une marque de faiblesse.
En réalité, il fuit surtout sa peur du rejet et de ne pas se sentir à la hauteur. Il a peur que l’autre soit dépendant de lui. Il voit l’affection comme une perte de liberté. Il a surtout peur de la possibilité de voir l’autre partir un jour et de se retrouver à nouveau seul avec une béance dans son coeur (comme il l’a vécu par le passé dans sa vie d’enfant avec ses parents). « Ceux que j’aime finissent par partir et ça fait vraiment trop mal ». « Aimer c’est prendre le risque de souffrir ». Il n’est pas question pour lui de s’exposer à nouveau à la possibilité d’une telle souffrance. Avoir besoin de quelqu’un, c’est prendre le risque de souffrir profondément si l’autre venait à partir un jour…
En n’ayant besoin de personne, le risque d’être quitté s’amenuise. Il devient alors dépendant de son indépendance…
L’évitant dédaigneux est dans un contrôle permanent de ses émotions, dans le but de ne surtout pas être submergé par elles. En niant ou refoulant ses émotions, il devient froid, dur, cassant, méprisant envers ceux qui lui feraient part de leurs propres émotions. Il n’est pas en mesure d’accueillir de l’autre ce qu’il n’accepte pas chez lui. Il considère celui qui parvient à être connecté à ses émotions et à les exprimer comme quelqu’un de fragile et faible. Lui, EST FORT. Pas question de se montrer faible… et donc pas question de laisser la place aux émotions…
Mais derrière ce contrôle se cache un vide intérieur difficilement tolérable. Celui qui apparaît par une adaptabilité à outrance qui l’a amené à se dissocier de qui il est vraiment au profit d’une personnalité correspondant aux attentes de son interlocuteur du moment. Si bien que l’évitant dédaigneux lui-même ne sait pas vraiment qui il est en réalité…
Il peut se montrer désagréable, voire même particulièrement méchant envers ceux qui parviennent à toucher son cœur. C’est pour lui un mécanisme de défense vis de vis de ce qu’il ressent comme un danger : privation de liberté, dépendance, face à face avec son vide intérieur, vulnérabilité, faiblesse…
Alors, même s’il pourrait être amené à s’en vouloir profondément ensuite, il pourra néanmoins se montrer particulièrement violent afin de défendre son faux-self et l’effondrement de toute sa structure interne bâtie jusque-là pour se protéger d’éventuelles souffrances. Lorsqu’il est confronté à son vide existentiel, ses comportements peuvent ressembler à ceux de la perversion narcissique : manipulation, traitement silencieux, retournement de responsabilité, inversion des rôles, incapacité à se remettre en question, dénigrement, campagne de diffamation, rage narcissique… La honte de son comportement est trop difficile pour lui à ressentir et il préfèrera se perdre dans sa violence et sa mauvaise foi… en nourrissant encore et encore son orgueil, devenant prétentieux, arrogant, moralisateur, dédaigneux, dans un sentiment de toute puissance qui l’amène même à justifier la violence dont il peut faire preuve.
Le traitement silencieux est l’une de ses armes principales. Il coupe la communication sans explication. Il disparaît émotionnellement et physiquement. Et ce silence amène à faire douter l’autre de sa propre réalité jusqu’à avoir la sensation de devenir complètement fou.
La douleur infligée aux autres est réelle, même si elle n’est pas toujours intentionnelle (mais parfois oui). Les partenaires peuvent être tentés de réparer le lien, ce qui ne fait qu’intensifier le retrait de l’évitant dédaigneux. Lui, même dans sa violence, continue de se convaincre qu’il a raison, que l’autre l’a bien mérité et qu’il ne fait que se protéger.
Pourtant, ce fonctionnement le prive aussi de ce qu’il désire profondément : une relation.
Car l’évitement protège de la douleur, mais empêche l’intimité. Il préserve l’ego et assèche le cœur. Tant que le vide intérieur n’est pas reconnu, l’évitant dédaigneux continuera de confondre indépendance et solitude, fuite émotionnelle et liberté.
Et tant que l’évitant dédaigneux n’aura pas fait son travail de guérison intérieure (qu’il fuit pour toutes les raisons évoquées ci-dessus), il continuera de se croire libre de choisir de prendre de la distance, alors qu’il en est en réalité prisonnier…
